Quelques heures après être arrivés à Santa Clara, nous nous sommes rappelés que le propriétaire de la casa de Playa Larga avait été choqué que nous ne passions qu’une nuit chez lui alors que, quand il nous avait demandé notre programme prévisionnel, on lui avait parlé de deux nuits à Santa Clara. Il nous expliqua tout ce qu’il y avait à faire autour de Playa Larga alors que Santa Clara, on pouvait s’arrêter, aller voir le tombeau du Ché, et repartir une heure plus tard. On s’est dit qu’il voulait juste nous faire changer d’avis et nous héberger une ou deux nuits de plus, ou simplement qu’il était un peu chauvin avec sa région, comme tout le monde… Que nenni : il avait raison.
De par sa position centrale entre l’est et l’ouest, entre le nord et le sud, la ville de Santa Clara est une étape pour la plupart des voyageurs qui ne s’y attardent que rarement. Les quelques français croisés n’y restaient tous qu’une nuit, et ceux en fin de séjour s’ennuyaient déjà. Le mausolée du Che ? Incontournable bien sûr. La figure de la révolution cubaine a sa statue sur un énorme piédestal où est également gravée sa devise « Hasta la victoria, sempre » et un long texte en espagnol : les mots d’adieux du Che lorsqu’il quitta Cuba pour aller soutenir la révolution bolivienne.
Dans le mausolée lui-même – où les photos sont interdites – brûle une flamme éternelle allumée non pas par les Bangles mais par Fidel Castro himself, en souvenir de la star locale et de ses compagnons d’armes tombés en Bolivie. Lorsqu’il a été conçu, ce mausolée était seulement un lieu de recueillement : les dépouilles elles-mêmes ou ce qu’il en reste n’ont été rendues à Cuba que tout récemment, en 1999. Un peu plus loin, un musée entièrement consacré au Che. Des passages intéressants sur son rôle, d’autres un peu redondants avec le musée de la Révolution de La Havane, et d’autres… bizarres. Pour parler de son enfance, ils ont quand même exposé le fauteuil du salon de sa grand-mère maternelle. Si ça c’est pas de la relique… Et derrière le mausolée, un peu à l’écart, un cimetière militaire.
Et à part les tombes ? C’est vrai que pour une fois, notre casa, pas exceptionnelle, ne nous propose pas d’activités. On se rend donc avec Delphine à une agence Havanatour, enseigne présente un peu partout et citée comme référence par plusieurs guides pour les excursions. Ils nous disent qu’il n’y a rien à faire ici. Tant pis, on va s’occuper nous-mêmes.
Santa Clara n’a pas été choisie pour accueillir la tombe du Che par hasard : c’est ici qu’il livra et gagna une bataille décisive pour la révolution. Je vous la fais en version courte : en gros, il est venu ici avec 20 gars et ils ont réussi à battre les 10.000 soldats de Batista qui leur faisaient face.
T’es sûr des chiffres ?
J’exagère un peu… Mais les troupes de Guevara étaient en gros sous-effectif et réussirent quand même à faire dérailler un train qui devait réapprovisionner les soldats du régime en hommes et en armes. Ils firent ainsi beaucoup de morts et de prisonniers, certains se rallièrent à eux, et les armes leur permirent d’équiper les civils qui se joignaient à leur cause. Sans ce déraillement, Cuba n’aurait peut-être jamais été communiste ?
Le Che aurait beaucoup hésité avant de tenter cette opération, et aurait même dit à Castro : « chaque fois, mon train qui déraille… Je ne suis pas de taille ! ». Le Comandante l’aurait rassuré, et a bien fait. Un petit musée est consacré à cet épisode victorieux sur les lieux-mêmes du déraillement. La visite se fait en suivant un parcours dans les wagons soi-disant d’origine (admettons, toujours).
Crédible en guérillero ?
Là encore, il y a de tout… Quelques armes et uniformes d’époque sont exposés dans les trois premiers wagons, mais dans les deux derniers, on trouve respectivement : des photographies des monuments cubains dédiés à la victoire des révolutionnaires ; et des portraits du Che Guevara, avec la célèbre image déclinée en plusieurs couleurs, comme si on lui mettait des filtres Instagram. Curieux.
Qu’ont fait les troupes de Batista en déroute ? Après que les casernes aient été prises, elles se sont réfugiées dans un hôtel autour du Parque Leoncio Vidal. Le parc est l’habituel centre névralgique de la ville qui sert de hotspot et réunit tous les jeunes accros au wi-fi. Il a un kiosque à musique où ont parfois lieu de petits concerts en son centre, et est entouré de quelques-uns des principaux bâtiments de la ville : le théâtre/cinéma, le musée des arts décoratifs, les grands hôtels…
…Grands hôtels parmi lesquels cet espèce de cube de béton d’un vert douteux. Et pour cause : il a laissé dans son état d’origine. C’est ici, dans l’hôtel Santa Clara (rebaptisé « hôtel Santa Clara Libre » par les révolutionnaires qui ont rivalisé d’imagination avec leurs prédécesseurs), que les troupes de Baptista s’étaient réfugiées. Et de près, on voit bien les nombreux impacts de balles sur la façade, qui a été laissée ainsi en souvenir de la bataille.
Plus gros qu’une pièce de 2€ : Olivier de Carglass n’a rien pu faire…
Le reste de la ville ? Une grande partie se concentre sur le Boulevard Independancia, une rue en partie piétonne où se trouvent tous les commerces et la plupart des restaurants. L’art a également toute sa place ici. Une petite place est entièrement dédiée aux Beatles, dont les cubains sont de très grands fans. Sur la route qui mène au mausolée, à l’écart du centre-ville, une longue partie de la rue affiche également des représentations de street art, qui prônent surtout des messages de paix.
Santa Clara est enfin une ville étudiante avec des universités assez renommées dans le pays, pas trop marquée, vous l’aurez compris, par le tourisme. On y trouve donc de nombreuses cafétérias à la cubaine, et des bars vraiment économiques : dans le quartier des facs, on boira des mojitos à moins d’un euro, dans un bar qui n’est sans doute pas habitué à voir rentrer des européens. Un autre lieu est en revanche aussi prisé des touristes que des locaux : El Mejunje. Une grande « taverne » qui, selon les jours, propose des cours de danse ou de percussions en journée, des concerts le soir, et des mojitos à toute heure. Pas de chance, aucun cours le jour où nous y étions, du hard-rock le soir alors que la musique latine était à l’honneur tous les autres jours, et les cocktails ne sont pas les meilleurs qu’on ait bus là-bas. Nous, exigeants ? Peut-être au bout de douze jours. Mais on ne perd pas tout au change puisqu’on fait la connaissance du Crespo. La légende du lieu apparemment. Peut-être pas aussi charismatique que le magicien de Trinidad, mais tout aussi bavard, tout aussi marrant, et accessoirement beaucoup plus bourré. Mais allez le voir quand même !
Après deux jours qui ne seront pas les plus marquants du séjour, cap sur la dernière étape avec notre ultime voyage en bus : Varadero.
Varadero, c’est une péninsule reliée par un pont au reste de l’île. Elle s’étend tout en longueur et compte vingt kilomètres de plage, alors qu’en largeur et selon les endroits elle ne fait que quelques centaines de mètres. Vous l’aurez compris, ce n’est pas une destination typique ou culturelle !
Le centre de l’île reste plus ou moins réservé à la population cubaine ; on y trouve un centre commercial, mais aussi pas mal de boutiques, de casas particulars… Celles-ci sont très demandées, on a eu beaucoup plus de mal à trouver que dans les autres villes, c’était un poil plus cher (35 CUC la nuit) et pas forcément mieux. Autour, que ce soit dans un sens ou dans l’autre, les hôtels s’entassent un peu partout et on continue d’en construire. Beaucoup de touristes vont à Cuba pour passer uniquement une semaine en all-inclusive ici, avec éventuellement une petite excursion à la journée dans la ville plus préservée de Matanzas, et c’est tout. C’est dommage, autant aller en République Dominicaine pour ça mais bon… C’est un choix.
La majeure partie de notre mini-séjour de deux jours et deux nuits à Varadero fut donc consacrée à la plage ; avec des sessions bronzage bien méritées après deux semaines de tribulations. Hormis ses commerces et ses animations, la ville elle-même n’a pas forcément beaucoup d’intérêt. Au centre, un grand parc – Parque Josone – avec un peu de verdure a été aménagé et offre un moment de répit à l’ombre. Nous n’y sommes pas allés mais il y a également un autre parc avec des petites grottes à l’extrémité nord de la ville, mais c’est trop loin pour être faisable à pied et les taxis se goinfrent ici où la plupart des touristes sont moins regardants à la dépense.
Le parc Josone, écrin de verdure en plein centre ville…
Autre attraction, que cette fois j’ai visitée, la casa del Ron propose beaucoup de choix de rhums. Le petit plus : la dégustation. On vous en fait goûter quelques-uns d’office, et vous pouvez ensuite demander à tester un autre spécifiquement. Pour le reste, les prix ne sont pas spécialement avantageux – ni désavantageux – par rapport à d’autre boutiques ou à ceux pratiqués à l’aéroport.
En bonne destination balnéaire, Varadero compte aussi un grand nombre de bars et de restaurants. Pour les restos, j’ai mis une petite sélection un peu plus bas dans les bonnes adresses… Les fans pourront aller au Beatles Bar, où plusieurs soirs par semaine des groupes interprètent des reprises du groupe anglais. La ville compte aussi sa petite casa de la musica pour la vie nocturne. Bref, elle est parfaite pour la détente, mais elle n’est pas représentative de Cuba. Parfaite pour cette fin de séjour avant le retour en Europe !
Dernière matinée sur la plage avant le départ pour l’aéroport…
Les bonnes adresses :
– Paladar Nonna Tina (Varadero, calle 38) : passé le choc de l’entrée un peu kitsch avec ses guirlandes lumineuses, on tombe sur un restaurant italien pour lequel le bouche à oreille (et les guides de voyage) fonctionne bien et où il faut faire la queue. De manière agréable : dans un lounge avec un bar. Après on s’installe, et on a affaire à une très bonne cuisine italienne pour un prix très raisonnable. Je recommande !
– La Fondue (Varadero, calle 62) : en français dans le texte. Un restaurant d’état dont vous devinerez assez facilement la spécialité, même s’il n’y a pas que ça à la carte. On a donc mangé une fondue bourguignonne à Varadero, une hérésie pour ma camarade côte-dorienne, mais une hérésie pas mauvaise du tout. Service trèèèèèès long par contre. Il y en a pour tous les goûts, si vous préférez celle au fromage, ou celle au chocolat en dessert…
2 réflexions sur “Farniente y adios !”